Je suis en vacances à Venise depuis lundi. Aujourd’hui, (jeudi soir quand je commence à écrire) j’ai visité un palazzo sublime et typique du faste vénitien, Ca’ Rezzonico, qui renferme désormais un bel aperçu de l’art conçu sur l’île aux XVII et XVIIIe. Ensuite, j’ai zigzagué jusqu’au Castello, bu du café au soleil, plusieurs fois, rencontré un pigeon, fait des emplettes en traversant le brouillard tombé soudainement sur la ville. J’en avais plein les jambes quand je me suis installée pour une bière au bar qui fait l’angle, pas loin de mon hôtel. Je vais d’ailleurs devoir vous laisser car j’y ai fait la connaissance de trois italiens, oscillant autour de la cinquantaine (R.A.S. maman) et volontiers bavards. Des musiciens de jazz de passage pour un concert. Nous avons discuté un quart d'heure et voilà que je suis invitée à me joindre à eux pour dîner. When in Venise… vous vous doutez que ma newsletter passera après ce cours avancé d’italien. Aurai-je du temps à consacrer à vous consacrer ?




Après tout, pourquoi suis-je venue ici ? L’idée initiale : voir Venise. J’en rêve depuis des années. J’étais certaine que cette ville me correspondrait. Le rêve était devenu si précieux que j’y suis partie seule. Mon autre raison de venir était de joindre l’utile à l’agréable. J’ai tendance à trouver le temps long à la fin de l’année, quand mes journées sont moins denses en massages. Alors en juillet j’ai réservé mon vol et mon hôtel, histoire de n’avoir aucune excuse financière le moment venu.
J’ai pourtant hésité ces dernières semaines. J’avais vu juste pour l’ennui. J’avais du mal à trouver le fuel en moi pour mener mes journées. Et je commençais déjà à faire mes comptes. Venise m’est alors apparue comme une menace qui surgissait dans un moment aigu de fragilité. J’allais y dépenser de l’argent, y perdre du temps alors que j'aurais mieux fait de travailler, et surtout, j’allais passer cinq jours et cinq nuits seule bien que j’avais besoin d’être entourée, dirigée même. Sans oublier que je suis déjà partie plusieurs fois en vacances cette année, notamment en Italie. Je culpabilisais de ce caprice. J’avais perdu de vue l’utilité de mon voyage.
Je suis encore en plein dedans mais je ne peux que recommander ce genre de caprice, si c’en est un. La semaine dernière, une cliente m’a expliqué qu’elle avait eu du mal à se convaincre de revenir cet automne. D’après elle, mon massage Légèreté (un long drainage lymphatique qui a le mérite de finir en beauté par un moment de relaxation profonde du dos) joindrait l’utile à l’agréable. Comprendre : on se l’offre en se disant qu'au-delà de l’aspect relaxant, on fait aussi un cadeau thérapeutique à son corps grâce à l’effet de circulation sur la lymphe qui nous fait dégonfler. Ce qui est parfait pour contrer la chaleur. Mais en hiver, le besoin de dégonfler se fait moins ressentir. J’ai reçu ses mots comme une révélation. C’est donc ça, c’est pour ça que je masse moins ! Parce qu’il est difficile de s’offrir un massage en mettant dans la balance l’utile quand on a juste envie d’un moment agréable.
J’y réfléchis depuis. Pourquoi est-ce qu’on a toujours besoin de justifier l’agréable ? Est-ce par culpabilité financière ? Dans ma famille, on aime justifier nos achats par le prix, la qualité, l’illusion d’argent épargné grâce à une réduction. Est-ce une manière de gérer l’âge adulte ? D’être raisonnable et rassurée, tout simplement ? Finalement, est-ce mal d’aimer joindre l’utile à l’agréable ? On ne le fait pas vraiment exprès, ce calcul est souvent automatique. N’est-ce pas beau, aussi, de voir l’utile dans l’agréable ? Oh et puis, aussi, pourquoi l’agréable ne serait pas synonyme d’utilité ?
Toutes ces questions me font perdre le sens de ma révélation initiale. Parce que si c’est le cas, un massage est toujours utile. Il l’est d’autant plus lorsqu’on attend d’être au bout du rouleau, certes (quoi qu’il vaut mieux encore passer directement par la case ostéo dans ce cas). Mais se faire masser régulièrement, sans raison, sans justification, c’est aussi investir dans son corps et son repos. Et ça, c’est utile, point.
En ce sens, Venise est d’utilité publique. Je n’ai pas encore les mots pour dire mon admiration pour cette ville. Tout y est beauté, c’est hallucinant. Je n’aurais sûrement plus un rond pour m’offrir un massage à mon retour alors que ça me serait utile (thanks god pour le troc), mais qu’est-ce que c’est agréable d’être, ici. Comme je n’ai que moi sur qui compter, je ne fais que ce qui me plaît. Je m’arrête sur un banc pour vivre l’ambiance d’une place, je me nourris exclusivement de panini et cicchetti (les tapas locales) quand la faim me remue le ventre, souvent vers 15h30, je fume en aspirant la vue, je m’enfonce intrépide dans les couloirs sombres qui servent de rues aux vénitiens, je me perds en entrant dans des cours qui s’avèrent des passages et j’épuise mes cervicales à force de regarder en l’air. J’écris à mes amies, j’appelle ma tante, ma mère, mes sœurs, mon mec, je lis, j’achète des carnets, des bijoux, des débardeurs en laine. J’ai beaucoup écrit aussi. Je plis soigneusement les tickets de caisse qui s'accumulent dans mes poches. Sur le chemin du retour à l’hôtel, je mets des tubes italiens à fond dans mes écouteurs.

Je commençais à douter du principe de partir seule. Je l’ai fait en mars pour New York. Même histoire, the dream was too big to be shared. Mais tous les soirs, je retrouvais une amie qui y habite. Je n’étais pas vraiment seule. Ces dernières semaines, j’ai tendu des perches à mon amoureux que je n’avais pourtant pas vraiment consulté sur ce voyage, mais ce n’était pas possible pour lui de se joindre à moi. Je commençais à me dire que partager la ville avec une amie ne m’aurait pas déplu, finalement. Qu’elle toupet d’autant fantasmer la solitude j'ai. J’avais peur que la beauté me dépasse et qu’une présence me manque pour la faire raisonner. Mais vous l’avez compris, ça ne s’est pas passé comme ça. J’ingurgite et garde tout pour moi. J'adore. J'y suis encore (nous sommes vendredi matin désormais, je reverrai les musiciens à leur concert ce soir, ils sont supers) et non vedo l’ora di tornare. Seule ou accompagnée. Ça sera toujours utile à mon soleil intérieur, et agréable donc. Je vous souhaite une belle fin d’année et je vous dis à dans deux semaines.
Pauline

Qui suis-je ?
Je m’appelle Pauline Brulez et je suis masseuse depuis trois ans. Mon but est de vous faire découvrir des aspects indiscutés de mon métier mais aussi de vous donner envie de développer le réflexe du massage. Par moi (je pratique et mélange le drainage lymphatique, le deep tissue ainsi que le massage du visage au Kansa Wand) ou par d’autres - mais en tous cas, régulièrement.
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Excellent ce billet et cette photo 👌🏻👌🏻👌🏻
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