Oui, c’est nouveau de vous écrire le dimanche. C’est ma résolution de l’année pour Vous avez un nouveau massage. Plutôt que le rush du vendredi soir, je vous cueillerai désormais en plein week-end (les Conseils non-sollicités continueront quant à eux à arriver les premiers mercredis du mois où je suis d’humeur). Le dimanche matin - je vous y vois. Dans votre pyjama de luxe, votre déshabillé de soie, allongé.e.s sur un divan de velours telle une odalisque, près d’une fenêtre, une tasse fumante à vos côtés, en train de lire. Ce serait encore plus romantique si ce texte vous parvenait dans un format papier, un journal parfaitement plié. C’est dimanche donc, vous avez teeellement de temps devant vous que vous pouvez lire. Prétendons qu’il est pratique de boire des gorgées de café tout en soutenant son poids de corps sur un avant bras tremblant, en se concentrant profondément sur l’écran de son téléphone en haut duquel perlent des notifications. C’est beau. Vous savez à quoi vous ressemblez ? À une femme détendue. Si vous êtes un homme, un peu d’imagination SVP.
Depuis quelques années, quand on l’interviewe, Elizabeth Gilbert (l’autrice de Mange, prie, aime et de Big Magic) propose régulièrement d'aspirer à devenir des « relaxed women ». Au-delà de mieux sonner en anglais que « femmes détendues », cette idée de détente paraît anodine, voire évidente. Tout le monde veut être détendu, mais c’est rare de le formuler comme ambition. Si je travaille, c’est justement parce que nombreuses sont les personnes qui souhaitent l’être davantage. Gilbert oppose cette figure qu’elle qualifie de « révolutionnaire », à d’autres archétypes souvent jugés désirables : femme forte, business woman, badass, résiliante. D’après elle, être le plus détendu possible où qu’on se trouve permet d’être complètement en possession de ses moyens.
J’adorerais qu’on m’associe spontanément à une personne relax. En prenant du recul sur l’année qui vient de s’achever, je pense être sur le bon chemin : j’ai commencé l’hiver sans beaucoup masser, avec un rythme très élastique, au cadre mouvant, mais sans ressentir aucune culpabilité - ce n’était pas le cas avant. Du tout. Mais j’ai programmé mes journées sur le tas, passé du temps avec mes amies et seule dans mon petit appartement. Avec une sérénité inédite (et injustifiée) pour l’impact de cet emploi du temps sur mes finances. Je vis comme une femme détent’, quoi. Il existe un terme pour ce sport méconnu, « lady of leisure ». Googlez, vous verrez. Être une lady of leisure c’est l’art de mener une vie d’indépendance et de détente, sans travailler (il y a même des tutos). Encore une fois, c’est banal et peut-être oisif comme désir, et pourtant, cela peut être épineux d’y parvenir. Mona Chollet y a d’ailleurs consacré son dernier essai, Résister à la culpabilisation. Elle explique que lorsque le succès de ses précédents ouvrages lui a permis de quitter son emploi salarié afin de se consacrer pleinement à l’écriture, elle a été tiraillée par plein de culpabilités (elle le raconte également dans un entretien en trois parties pour le podcast Bookmakers d’Arte Radio). Il était trop privilégié de parler au téléphone avec des amies pendant la journée, de commencer à travailler à 17h, de prendre des heures entre la préparation du repas, sa dégustation et la vaisselle qui suit, etc. Elle avait le temps, l’employait à sa guise, et se sentait coupable d’être si relax. Elle qui se pensait hédoniste a dû apprendre à lâcher la voix qui lui dictait sans cesse son insuffisance.
Je la guette cette voix. J’apprends à l’ignorer mais j’adore quand elle se tait d’elle même, satisfaite de mon usage du temps. Elle se tait quand je masse, elle se tait quand j’envoie un email, elle se tait quand j’estime avoir suffisamment écrit, elle se tait quand je suis accompagnée. Une dose de productivité suffit à la duper. Le reste du temps, quand elle commence à prendre la parole, je la fais taire artificiellement. C’est ma manière d’apprécier et d'assumer jusqu'au bout mes choix de vie.
À quoi ça ressemble concrètement, une femme détendue ? J'imagine quelqu'un qui anticipe juste assez et ne se laisse pas ébranler par les aléas de la vie, qui prend les choses comme elles viennent sans remettre en question sa propre valeur. C’est peut-être simplement quelqu’un qui a une estime d’elle si solide qu’aucun élément extérieur ne peut la faire vaciller. Surtout pas son emploi du temps ou sa productivité au travail. Je vais peaufiner ça cette année. Et je vais en parler à mes amies. Figurez-vous qu’il y a une épidémie de potentielles ladies of leisure autour de moi. J’en comptabilise au moins sept, au chômage, en arrêt ou qui travaillent très peu ou par période (les intermittentes !). Elles ne le vivent pas toutes de manière égale. Certaines sont soulagées, d’autres ont préféré revenir à un emploi salarié pour retrouver une structure solide, d’autres s’agitent à l’idée de procrastiner, d’autres encore ont besoin de piliers pour appréhender leurs journées, et puis il y a celles qui se délectent du vertige d’une vie où elles sont au centre. Ce qui est paradoxal, c’est que cet état de relaxation exige de l’entraînement parce qu’il n’a rien d'inné.
Étais-je aussi une femme détendue la semaine dernière quand j’ai commencé à avoir de la fièvre ? J’étais pour sûre une femme étendue sur son lit, assignée à trembler de froid et à dormir pendant des heures. J’ai vite capitulé, fait sieste sur sieste en m’alimentant d'infusions tiédasses pour soulager ma gorge irritée. Cette fièvre intempestive m’a fait annuler des rendez-vous et décaler le retour de Vous avez un nouveau massage, que j’avais déjà mis en pause en décembre (hyper détente, vous voyez)(j’avais déjà pris une pause en juin, je trouve que ça regonfle ma créativité). Bref, je suis de retour, toujours relax pour vous relaxer et vous raconter ici ce qu’il se trame dans ma tête entre deux massages. J’étais si nonchalante le mois dernier, que j’en ai oublié la fameuse promotion du changement de saison. Pardonnez-moi, je me rattraperai au printemps, promis. Aussi, ce mot du dimanche pour vous rappeler que je travaille désormais les week-ends. Mes disponibilités sont visibles ici.
À bientôt <3
Pauline
ps. vous pouvez cliquer sur le petit cœur en bas de cet email si celui-ci vous a plu, c’est une des rares notifs qui contribue à ma relaxation globale.
Au cas où vous ne sachiez pas encore qui je suis :
Je m’appelle Pauline Brulez et je suis masseuse à Paris depuis tout pile 4 années. Mon but est de vous faire découvrir des aspects indiscutés de mon métier mais aussi de vous donner envie de développer le réflexe du massage. Par moi (je pratique et mélange le drainage lymphatique, le deep tissue ainsi que le massage du visage au bâton de Kansa)(avec celui-ci, assoupissement presque garanti) ou par d’autres - mais en tous cas, régulièrement.
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Troublante synchronisation de pensées !
Merci Pauline
Cette newsletter colle parfaitement avec ce que je ressens en ce moment.
Merci de mettre tout ces mots parfait au bon endroit !
Trop forte Pauline !