Je vous écris de nouveau depuis un train, entourée par la mer et le soleil couchant d’un côté, le Vésuve de l’autre. J’avais noté que cette newsletter aurait pour sujet le pourquoi de mon métier, et ainsi faire suite à la précédente. Seulement, la perspective de parler travail en plein milieu de mes vacances me motivent peu à écrire. Heureusement, j’ai encore quatre bonnes heures devant moi avant que mon train n’arrive en gare de Reggio di Calabria, point de départ de mon tour de Calabre. Je suis partie depuis 11h ce matin (d’Ascoli Piceno - que j’ai déjà envie de revoir), et j’ai pris plus de huit heures pour me motiver à écrire ces quelques lignes. J’avoue qu’avoir échoué une seconde fois à regarder les Real Housewives of New York City via le Wi-Fi à bas débit de mon Frecciarossa a mis fin à ma procrastination.
L’arrêt pour Pompéi vient de filer à ma droite. M’en tenir à regarder le paysage pourrait aussi bien m’occuper que d’écrire cette newsletter et me demanderait assurément moins d’effort. Mais il faut dire que j’adore vous écrire, alors je vais m’y tenir. Même si je n’ai aucun doute sur le fait que vous dormirez tout aussi profondément si je finis par céder à la douceur de la farniente.
Je me sens particulièrement bien dans ce train. Cela a évidemment quelque chose à voir avec les quatre fauteuils que j’ai rien que pour moi, leur cuir moelleux et mon fameux oreiller à mémoire de forme qui fait le chemin lui aussi. Je ne l’avais pas vraiment phrasé jusqu’à maintenant, mais j’aime sentir le temps et la distance passer lorsque je voyage - c’est la seule manière pour me sentir littéralement transportée. Quand je partais en vacances avec mes parents, nous descendions en voiture jusqu’à Alzira, ville moyenne située à quelques dizaines de kilomètres de Valence, en Espagne. De notre maison à celle de mes grand-parents s’écoulaient au moins 15 heures. Par chance, je n’ai pas le mal des transports - la preuve, je vous écris sans souci en sens inverse de la marche. Alors pendant le trajet je regardais des DVD, je jouais à la Nintendo DS en écoutant l’intégralité de mon mp3 et j’arrêtais tout pour admirer le viaduc de Millau.
Quand ma grande sœur était du voyage, nous remplissions les cinq places de la voiture familiale. J’adorais devoir dessiner les contours momentanés de cet espace-temps. Assise à gauche derrière mon père qui tenait évidemment à conduire pendant l’intégralité de la route, je distribuais mes affaires entre le creux de la portière, la pochette du siège avant et le sol. Je m’accaparais ce nouvel espace en l’organisant. Et je faisais de même une fois arrivée dans la chambre que l’on m’attribuait pour l’été. Je cherchais les petits recoins entre deux pièces pour délimiter la nouvelle scène où performeraient mes poupées Barbie. Je remplissais les tiroirs, m’inventais de nouvelles habitudes. J’avais inconsciemment trouver la formule pour me sentir chez moi où que je sois.
Si je n’ai aucune envie de quitter la petitesse des appartements parisiens, c’est sans doute parce qu’elle me rappelle la sensation de sérénité de ces nids que je me créais. Du moins, cette idée chasse et console mes rêves de jardins et de salles inutiles. Actuellement, je me sens si bien dans mon nid à grande vitesse que je viens de quitter mon ordinateur ouvert et mon téléphone branché au siège du voisin pour me dégourdir les jambes jusqu’aux toilettes. Ces derniers jours dans la région des Marches, j’ai mis un point d’honneur à déballer ma valise à chaque nouvel hôtel ou Airbnb. Cette capacité à m’approprier l’espace n’est plus aussi spontané qu’il l’était quand j’étais enfant. Je l’ai progressivement perdu et cette question m’anime au quotidien. Je réfléchis sous toutes les coutures à ce qu’impliquerait de partager mon logis, par exemple. Ces questionnements s’étirent désormais à ma maîtrise du temps. Je suis devenue très attentive quant à comment j’offre le mien. Je travaille à définir les poches d’heures qui m’appartiennent strictement tout en essayant de ne froisser personne par mon manque de disponibilité.
Ça fait environ dix ans que je tiens des journaux intimes. Ils ont pris plusieurs formes et je les ai rempli de manière plus ou moins assidue selon les périodes mais une chose est sûre : le désir d’écrire a grandi avec moi. Il y a quelques années, une professeure d’anglais a assigné à ma classe la lecture de Big Magic d’Elizabeth Gilbert (l’autrice du best-seller Mange, prie, aime). Son sous-titre est : Vivre sa créativité sans la craindre. J’ai eu envie de me replonger dedans avant de partir la semaine dernière, et j’ai été surprise par mon assiduité aux propos de ce bouquin. Consciemment ou non, il a structuré ma conception de la créativité, en particulier dans ma pratique de l’écriture.
Elizabeth Gilbert propose d’accepter que l’inspiration (ou la créativité) viendra à nous, que l’on se juge talentueux.se ou non, mais à condition que l’on se tienne prêt.e à la réceptionner. Il faut donc s’entraîner, travailler dur et régulièrement jusqu’à ce qu’elle daigne croiser notre chemin. Et pour ça, il faut lui donner envie de passer nous voir, et ne surtout pas lui mettre la pression. Alors, Elizabeth Gilbert conseille… de ne pas compter sur elle pour payer le loyer et se nourrir (= autrement dit, pour survivre). Sans la sagesse d’Elizabeth, je ne sais pas si je me serais autorisée à devenir masseuse.
Je le raconte souvent à mes clientes : lorsque j’ai senti que je n’aurais pas l’énergie de gagner ma vie grâce au journalisme, j’ai décidé qu’il ne serait pas honteux d’avoir un job alimentaire - et d’écrire des piges ou autres sur mon temps libre. Par miracle (parce que ça n’était pas prémédité), devenir masseuse me permet d’exercer un métier que j’aime et de financer ma vie, sans sacrifier ma créativité.
La preuve par cette newsletter - je dirais même qu’elle en sort renforcée.
Comment ? Parce que quand un massage est terminé, il l’est vraiment. Je n’ai pas besoin de continuer à y penser. Quand je travaillais comme conseillère de vente, je prenais plaisir à l’étiquetage des soldes et le pliage au carré du rayon denim. Un début et une fin clairs rendaient la tâche méditative et signifiaient qu’une fois le boulot terminé, je pouvais revenir à mes réflexions sans être polluée par des arrières-pensées liées à des missions en cours.
Parce que je suis à mon compte et que la charge mentale de la vie existe quoi qu’on fasse, tout cela reste théorique. Les lessives de mes grandes serviettes blanches reviennent vite, la réflexion autour de ma communication ne s’arrête jamais. MAIS, mon emploi du temps me permet régulièrement de délimiter des plages horaires où je peux me recueillir face à mon carnet ou Google Doc pour écrire. Du temps pour moi, pour créer, inutile à ma survie matérielle mais fondamental à celle de ma créativité. C’est dans ces poches de temps que j’écris cette newsletter, par exemple. L’inspiration vient plus ou moins facilement, mais j’y travaille et je compte continuer. Même pendant les vacances.
Je vous souhaite un superbe mois d’août,
Pauline
PS: Encore une fois, si vous avez aimé me lire, vous pouvez remplir le cœur tout en bas de cet e-mail en cliquant dessus. C’est magique, ça remplit le mien de joie en même temps !
PSS: À quelles activités vous aimez offrir votre temps vous ? Je suis curieuse de vous lire. Vous pouvez m’écrire en répondant à cet email !
Qui suis-je ?
Je m’appelle Pauline Brulez et je suis masseuse depuis deux ans et demi. Mon but est de vous faire découvrir des aspects indiscutés de mon métier mais aussi de vous donner envie de développer le réflexe du massage. Par moi (je pratique et mélange le drainage lymphatique et le deep tissue) ou par d’autres - mais en tous cas, souvent.💆♀️
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