Le froid qui nous cueille lorsqu’on sort de chez soi en ce moment ne fait qu’accentuer le moelleux des draps couvés pendant toute une nuit de repos. Je me réveille si lentement, c’est devenu le rythme de ma routine. Je sens mes pensées pétiller jusqu’à la surface. En pointillé, je continue de rêver. La partie de moi qui émerge du sommeil culpabilise de la lenteur du processus. Elle s’agite quelques secondes à l’idée d’avoir oublié un rendez-vous, mais une autre partie prend ma défense et me rappelle, toujours sous la couette, que je peux dormir autant que je le souhaite puisque je n’ai justement pas mis de réveil. C’est comme une négociation silencieuse et diffuse, au bord de la rêverie. Elle imbibe ensuite progressivement mon corps. Je ne sais pas si mon métier me rend particulièrement rouillée mais chaque mouvement est alors un effort. Je copie les instructions des profs de yoga qui nous guident lors du repos de fin de cours. Je fais tourner mes poignets, mes chevilles, je pointe le bout du lit avec mes orteils, fléchis les talons. Dans une torsion du dos qui anime ma chair, je glisse vers le rideau pour faire pénétrer la lumière dans la chambre. Suivant la couleur du ciel, un pic d’énergie me fait m’étirer une dernière fois et sortir du lit (bleu), ou j’y reste jusqu’à ce que mon cerveau soit prêt à l’emploi (gris, blanc). Je regarde enfin l’heure, il n’est jamais tôt et je suis grisée comme une enfant qui a feint d’être malade pour rater l’école. Lorsque ma lecture du moment me fait vibrer, je finis d’échauffer mes neurones en lisant quelques pages, parfois emportant le bouquin jusqu’aux toilettes pour ne pas me sentir abandonnée.
Je ne suis pas à l'abri de redevenir matinale un de ces jours. Qui sait ! Je l’étais au lycée. Je réglais mon réveil plus tôt que la sonnerie stridente de l’internat pour sauter dans la douche, à 6h30 max. Je ne me souviens plus avoir été si dérangée par la passerelle extérieure qui permettait de rejoindre le réfectoire où nous prenions nos petit-déjeuner. Même les week-ends, chez mes parents, je sortais parfois courir avant 8 heures du matin. C’est fou comme on change. Cette version de moi n’existe plus, mais, qui sait, elle pourrait renaître sous une autre forme. Il y a quelque chose de satisfaisant, de productif à se lever tôt. J’ai décidé de ne pas m’y forcer mais je suis tout de même séduite par l’idée. De toute façon, quand je prévois une alarme, je suis intranquille à l’idée qu’elle ne retentisse pas. Comme on peut l’être quand on part pour un voyage, je dors de manière discontinue pour vérifier toutes les heures que je ne suis pas à la bourre. Pire encore, mon inconscient me fait rêver que c’est le cas.
En septembre, je réfléchissais à un format d’interview pour sonder les quotidiens et réflexions d’autres auto-entrepreneurs. Une des questions était : Qu'est-ce qui te fait sortir du lit le matin ? Chaque personne à qui je l’ai posée a de suite saisi l’enjeu de ce geste anodin et quotidien. Se lever.
Une fois debout, j’aime bien ranger la vaisselle du repas de la veille. Je continue ensuite à bouger. J’ai adopté un geste qui me ravit : faire rouler une balle de massage sous la plante des pieds. Je le montrais avec un rouleau (ou une gourde) dans une de mes premières newsletter, si vous voulez voir. Grâce au poids du corps, la sensation est puissante. Je ne sais pas pourquoi mais je ne peux plus m’en passer. Je fais chauffer de l'eau pour mon café pendant ce temps.
Au lycée, avec mon Alice, on avait peur de devenir accro au café. On trouvait ça dangereux de ne pas pouvoir être vive sans caféine alors nous restions aux infusions. J’en bois désormais une ou deux tasses et je me convaincs, par respect pour nos versions lycéennes, que je n’en ai pas vraiment besoin.
En écrivant ma dernière newsletter, l’idée d’oser commencer m’a sauté aux yeux. Si vous lisiez le Google Doc qui me sert actuellement de journal intime, vous découvririez des passages plus ou moins similaires au début de ce texte-ci. C’est une entourloupe pour commencer à écrire dès le matin‧ Je m’installe face à mon ordinateur et je commente mon réveil. C’est bête, mais ensuite, c’est parti. Je laisse mon flot de pensées finir les lignes. Puis, je me mets à travailler, répondre aux mails, ce genre de choses. J’ai totalement abandonné les listes. Je me fis à mes sensations. Je fais l’une après l’autre les tâches nécessaires, c’est tout.
Pendant ce temps, je tiens mon téléphone à distance. En regardant l’heure (j’ai besoin d’une montre), je remarque les notifications silencieuses de conversations et autres nouvelles. En général, je ne me sens prête à les consulter qu’aux alentours de midi, ou juste avant de sortir si j’ai quelques courses ou rendez-vous à accomplir dehors. Ça me fait me sentir un chouïa égoïste de les mettre en attente. Mais je le fais pour préserver mon énergie.
Parce que je suis en contact direct avec beaucoup d’humaines, on m’a souvent mise en garde à ce sujet. Attention à ce qu’on ne te vole pas ton énergie ! J’imaginais des scènes mystiques où des clientes plus voraces que d’autres décideraient de me soustraire de ma force. Par expérience, ça ne m’arrive rarement. Mon armure de protection est simple. Je pose un cadre solide, je le respecte et mes clientes aussi.
De quoi est composé un bon cadre ? Je ne sais pas exactement. D’une limite de temps, d’un lieu, d’un rythme plutôt symétrique, de consentement ? C’est un peu comme une armoire qui permet d’optimiser l’espace car on y range les objets qui trainent. Il faut tout de même qu’elle soit équipée d’étagères, de portants, de tiroirs. Sinon, c’est le foutoir à l’intérieur. C’est parce que je n’ai pas su me créer un cadre suffisamment rassurant que je n’ai pas continué mon projet d’interview mentionné plus haut.
Avec mes envies et mon énergie, j’ai parfois tendance à me la jouer solo (exemple, partir à Venise seule). L’objectif est de me protéger mais il s’avère que mon comportement peut aussi me limiter, au mieux me ralentir. La preuve, hier. Je participais pour la deuxième fois à une mission des Mains du cœur. Il s’agit d’offrir des massages (simples, sur vêtements, il n’est absolument pas nécessaire d’être masseuse pour être bénévole) à des femmes en situation de précarité. Je partageais avec l’organisatrice à quel point j’étais reconnaissante qu’elle ait créé ce cadre. Je nourrissais l’envie de m’investir dans une initiative similaire depuis longtemps mais j’étais incapable de créer toute seule un cadre qui m’aurait mise en confiance pour le faire. J’avais abandonné l’idée alors que j’avais seulement besoin d’aide. Je suis sortie de cet après-midi regonflée d’énergie.
Je sens que je dois continuer sur cette lancée. Je sens que je ne pourrais pas avancer dans mes projets sans convoquer de l’aide extérieure. Aussi bien pour l’écriture que pour le massage, j’ai envie de ne pas avoir peur d’ouvrir le cadre. Qui sait, peut-être aurais-je besoin de vous.
Je vous souhaite un bon week-end <3
Pauline
Qui suis-je ?
Je m’appelle Pauline Brulez et je suis masseuse depuis trois ans. Mon but est de vous faire découvrir des aspects indiscutés de mon métier mais aussi de vous donner envie de développer le réflexe du massage. Par moi (je pratique et mélange le drainage lymphatique, le deep tissue ainsi que le massage du visage au Kansa Wand) ou par d’autres - mais en tous cas, régulièrement.
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Les slow mornings, c'est que je préfère au monde! Et très joli texte sur le réveil...
🧡